[Cet article est une reproduction de l’article d’Enda Santé que vous pouvez consulter en cliquant ici.]
La lutte contre la stigmatisation est l’un des plus gros défis de la riposte à la COVID-19. Dans de nombreux contextes y compris en Afrique, la situation est telle que plusieurs personnes présentant des symptômes de la maladie refusent de se rendre dans les structures de santé. Ces personnes ont peur, entre autres, d’être discriminées. Sur les réseaux sociaux, des images d’ambulances venues chercher des malades dans les quartiers pour les transporter vers les structures de prise en charge sont régulièrement partagées. Leurs familles subissent le regard accusateur de leurs voisins. Cette stigmatisation n’épargne pas le personnel de santé, dont certains se sentent exclus de la communauté.
Pour Daouda Diouf, Directeur Exécutif de ENDA Santé, « le coronavirus augmente les vulnérabilités, la stigmatisation et la discrimination des personnes infectées et des familles affectées. Il pose aussi, avec acuité, la question de la préservation de la dignité et des droits humains dans les circuits de prise en charge. La COVID-19 rappelle le besoin de mettre en place des dispositifs solides de protection sociale. »
Pour freiner cette stigmatisation, ENDA Santé est allée à la rencontre de trois personnes guéries de la COVID-19 et vivant au Sénégal. A travers trois vécus aussi émouvants qu’inspirants, ces personnes nous ont fait part de toute leur souffrance face à cette stigmatisation.
Ibrahima Diop : « Je n’ai pas attrapé le coronavirus par négligence »
« J’ai été contaminé sur mon lieu de travail. J’étais un cas contact. La plupart des gens se comportent bien, mais il y a toujours un petit groupe de personnes qui te lance de petits mots. Certains se comportent différemment parce qu’on a eu le coronavirus. Moi par exemple, il y en a qui m’appellent « Diop corona », d’autres m’appellent « Coro ».
Si les médecins qui nous ont dépistés positifs, nous laissent repartir chez nous, cela veut dire que nous ne sommes plus porteurs du virus. Les gens doivent donc bien se comporter avec nous, comme ils le faisaient avant. Il faudrait également qu’ils arrêtent de nous appeler par de petits noms comme « corona ». Même si c’est pour plaisanter, cela pourrait être blessant parce que personne ne souhaite être contaminé par le coronavirus et subir le jugement des autres. »
M. F. : « Quand je vais à l’arrêt du bus, les gens me pointent du doigt »
« Le service de santé est venu chez moi à trois reprises. La première fois, vers 11 heures, nos voisins ont commencé à avoir des soupçons. Ils étaient tous sortis pour nous épier.
Lorsque ma mère est sortie pour aller à la boutique, une dame l’a interrogée sur ce qui se passait chez nous. Elle lui a dit que tout allait bien. Vers 14 heures, à l’heure de la prière, le service de santé est revenu me chercher. Quand l’ambulance s’est garée devant chez moi, les voisins sont à nouveau sortis. C’est à ce moment qu’ils ont pris des photos.
Actuellement, dans mon quartier, même quand je vais à l’arrêt du bus, les gens me pointent du doigt. Je me dis que je suis plus forte que ça. Je vais aller de l’avant parce que tôt ou tard, le coronavirus ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Il ne doit donc pas être source de clivage social. C’est inacceptable pour des gens qui habitent le même quartier. »
M. N. : « L’annonce a été très difficile »
« L’annonce a été très difficile. Très difficile. Parce qu’avant de le dire à ma famille, j’ai beaucoup hésité, mais finalement j’ai eu la force de le faire. Durant toute mon hospitalisation, ma famille est restée en contact avec moi. A chaque instant, ils m’appelaient pour voir comment j’allais. Franchement, je n’ai pas été stigmatisé. J’aurais vraiment souhaité que tous les malades bénéficient de la bienveillance et du soutien de leur entourage comme je l’ai été. »